Qui était Modibo Keita ?

Modibo Keita
Modibo Keita

”Modibo Keita semblait destiné, à être partie prenante au leadership spirituelle de l’Afrique. Et les jeunes générations plaçaient en lui leurs espérances les plus belles. ”

(Mongo Beti et Odile Tobner – Dictionnaire de la négritude )

« Le lion au regard de feu et de plomb toujours au zénith (…) debout et droit comme un rônier.» 
Ces mots sont extraits d’un poème qui rend hommage à Modibo Keita et que l’on peut écouter sur notre page d’accueil. 

Considéré comme « l’un des plus grands leaders du tiers-monde », le premier président du Mali jouissait d’une grande notoriété qui a franchi les frontières de son pays et du continent africain :
Dans un reportage de la télévision française (ORTF), André Blanchet(1) présente Modibo Keita comme « l’un des leaders les plus prestigieux de l’Afrique indépendante ». Le journaliste, historien et biographe, Jean Lacouture(2), voyait en Modibo Keita, je cite : « Une statue vivante de l’Afrique ». 

Un caractère bien trempé :

De haute taille, « le géant » malien avait un physique d’athlète. Il émanait du personnage un magnétisme et une sincérité qui ne laissaient pas indifférents ses interlocuteurs les plus hostiles.

«Modibo Keïta, un symbole idéal dans Dune »

« Dune » de l’écrivain Frank Herbert, publié aux États-Unis en 1965 est le roman de science-fiction le plus vendu au monde. Ce roman considéré comme un grand classique de la science-fiction a été adapté au cinéma, à la télévision, au jeux vidéo, en livre audio.
Dans un article publié sur le site slate, Ali Karjoo-Ravary explique comment l’auteur de « Dune » s’est inspiré de la personnalité de Modibo Keita pour l’un des principaux personnages de son œuvre :

« Le nom que prend Paul, « Muad’Dib » a sans doute été inspiré par le premier président du Mali indépendant, Modibo Keïta. Keïta, descendant de l’aristocratie malienne, fut dépeint en 1961 dans un article du New York Times comme « le seul porte-parole de la communauté africaine assez grand pour pouvoir regarder le président français Charles de Gaulle dans les yeux ». C’était un symbole idéal pour Frank Herbert, un homme du désert s’opposant à un empire colonial.
En outre, Keïta, en tant que membre des Nations unies, était un défenseur de l’unité panafricaine, du mouvement des non-alignés et de l’indépendance algérienne. Pour Herbert, il avait tout d’un héros. Il avait même rendu visite à John Fitzgerald Kennedy (autre héros en devenir pour Herbert) en 1961, ce qui faisait de lui une personnalité impossible à ignorer pour quiconque s’intéressait à la politique à l’époque. »

Modibo Keita
Modibo Keita

L’homme avait du caractère. Sa combativité, son intransigeance et sa ténacité trouvaient leurs justifications dans un idéal profond. Ainsi, c’est, parfois, avec acharnement qu’il défendait les causes auxquelles il croyait profondément. Pugnacité, persévérance, courage, sacrifices et dignité sont des mots qui caractérisaient son combat politique et syndical. 
Par ailleurs, le militant qu’il était, savait faire preuve, de réalisme, de pragmatisme et d’imagination créatrice pour faire triompher ses idéaux d’indépendance, de justice, de liberté et de paix.

 Certains lui ont reproché un style autoritaire et une certaine intransigeance (qu’il manifestait d’ailleurs, envers lui-même). Le tempérament et la forte personnalité de Modibo Keita ont souvent nourri cette accusation « d’autoritarisme ». 
Pourtant, l’homme ne concevait son action que dans un cadre collectif. Il est vrai, en effet, que Modibo Keita avait une autorité naturelle qui découlait très logiquement de sa force de conviction et de son comportement personnel qu’il voulait exemplaire.
Pour l’historien, le professeur, Bakary Kamian : « Il n’était autoritaire qu’en apparence , il était autoritaire quand il s’agissait d’appliquer et de faire respecter les règles, mais il aimait écouter les autres et, éventuellement, changer de position. » 
Quand à Monsieur Idrissa Diarra, il rapporte : « Dans les réunions, malgré sa forte personnalité, qui pourrait lui permettre d’imposer aisément son opinion, Modibo Keita s’efforce de susciter la discussion afin que tous les avis soient exposés,… ».

Modibo Keita, leader charismatique, écouté sur la scène internationale, a acquis, grâce à son action et à ses idées, prestige et respect. 
Il avait le verbe haut, le nationalisme à fleur de peau, de la dignité et de la distinction dans le comportement, le non-alignement comme principe et le panafricanisme dans la tête.

Un parcours exceptionnel :

Bulletin de notes de l'élève Modibo Keita
Bulletin de notes de l’élève Modibo Keita

Fils de Daba Keita et Hatouma Camara, Modibo Keita est né le 4 juin 1915 à Bamako-coura, un quartier de Bamako. 

  • – De 1925 à 1931, il fréquente l’école primaire urbaine de Bamako. 
  • – A partir de 1931 il entre au lycée « Terrasson de Fougère », aujourd’hui lycée « Askia Mohamed ».
  •  – Trois ans plus tard il part pour l’école normale supérieure William Ponty de Dakar où il passera deux ans. Modibo Keita sortira major de cette prestigieuse école et deviendra instituteur en septembre 1938.

Ses professeurs le signalèrent comme :« Instituteur d’élite, très intelligent, mais anti-français… Agitateur de haute classe à surveiller de près ».
Modibo Keita n’était pas anti-français, mais, il était viscéralement anticolonialiste.

Modibo Keita instituteur
Avant de devenir un chef d’Etat charismatique, Modibo Keita fut un instituteur « engagé »

Profondément ulcéré par la situation de l’Afrique sous domination coloniale, Modibo Keita a mené depuis 1937 des activités dans plusieurs mouvements et associations :

  • Animateur du groupe « Art et Théâtre », il se moque, dans des piécettes, de la bourgeoisie et des représentants de l’autorité coloniale, pour la grande joie du petit peuple.
  • – Pendant la période du Front populaire en France, sur le mot d’ordre « Égalité avec les Blanc », il crée, avec le Voltaïque Ouezzin Coulibaly (3), le syndicat des enseignants d’A.O.F.. 
  • – Dans une publication qu’il créera en 1943, « L’oeil de Kénédougou », il critique ouvertement la société féodale et le pouvoir colonial.
  • – Son nationalisme intransigeant, son activisme politique et syndical vont le conduire en prison : Considéré comme un dangereux opposant à l’administration coloniale, il sera condamné, par les Français, à 6 mois de détention. Incarcéré le 21 février 1947 à la prison de la santé à Paris, il sera finalement, relâché le 11 mars. 
  • – La même année, Modibo Keita deviendra le secrétaire général du premier bureau de l’US-RDA, section soudanaise du R.D.A. (Rassemblement Démocratique Africain ) dont il fut l’un des fondateurs. 
  • – Une année plus tard il obtient un siège à l’Assemblée territoriale à Paris. 
  • – Le 10 octobre 1953, il est élu membre de l’assemblée de l’union française. 
  • – Le 26 novembre 1956 Modibo Keita est élu maire de Bamako. 
  • – C’est aussi l’année où il entre à l’assemblée nationale française dont il sera le premier vice-président africain. 
  • – En juin et novembre 1957, il sera, deux fois, ministre à Paris : Secrétaire d’Etat dans les gouvernements Bourgès-Maunoury et Gaillard .
  • – En 1958, il devient président de l’Assemblée constituante de la fédération, puis président du Conseil après les élections de mars 1959. 
  • – Le 20 juillet 1960 Modibo Keita devient le chef de gouvernement de la fédération du Mali rassemblant le Soudan (actuel Mali) et le Sénégal. 
  • – Le 22 septembre 1960, après l’éclatement de la fédération, Modibo Keita deviendra le premier président de la jeune république du Mali. 
  • – Il sera réinvesti dans cette charge (de président) en Janvier 1961 par l’Assemblée nationale unanime. 
  • – En 1963, il est l’un des rédacteurs de la Charte de l’O.U.A. (Organisation de l’Unité africaine) dont il fût l’un des principaux artisans. 
  • – C’est aussi l’année où il reçoit le prix Lénine international pour ses actions en faveur du « renforcement de la paix entre les peuples ». 
  • – Le 13 mai 1964 on assiste à la réélection de Modibo Keita à la présidence de la république.
  • – Le 19 novembre 1968 Modibo Keita est renversé par un coup d’État militaire. 
  • – Le 16 mai 1977, il meurt en détention dans des conditions mystérieuses


Notes de Renvoi :
(1) : André Blanchet est un ournaliste de presse écrite et de télévision. – Professeur à l’École nationale de la France d’outre-mer et au Centre des hautes études administratives sur l’Afrique et l’Asie modernes. – Journaliste à l’ORTF chargé des questions africaines.
(2) : Diplômé de lettres, de droit et de sciences politiques, Jean Lacouture est l’auteur d’un ouvrage sur l’histoire et les acteurs du journalisme. Journaliste reconnu, il fut : Directeur diplomatique du journal ‘Combat , Correspondant au Caire pour ‘France Soir, Chef de service outre-mer puis grand reporter au journal « Le Monde », Rédacteur pour le Nouvel Observateur. C’est un biographe consacré, qui a écrit sur De Gaulle, Mitterrand ou encore Mauriac.
(3) : COULIBALY Daniel, Ouezzin (1909-1958). Né en Haute-Volta (actuel Burkina-Fasso) Député de la Côte d’Ivoire de 1946 à 1951 et de 1956 à 1958. – Sénateur de la Côte d’Ivoire de 1953 à 1956


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